JEAN-CLAUDE MATTEI
OFFRANDES

Un châssis, un ventre, un abri ou des objets de mobilier : les sculptures de Jean-Claude Mattei évoquent « un espace d’accueil pour divers éléments qui viennent se loger en lui »

Il y a chez beaucoup de sculpteurs le désir (formulé ou non) de donner quelque chose en offrande – d’accomplir un geste de mise hors de soi d’un sentiment, d’une pensée, d’une image, en leur construisant un analogue dans le monde des phénomènes. Cet analogue peut prendre une forme monumentale, il peut au contraire avoir la discrétion de la métaphore. Il peut être identifié rapidement comme tel, ou au contraire garder valeur d’énigme. Mais, sous une forme ou sous une autre, il est rare qu’on ne trouve pas chez un sculpteur ce jeu d’échanges entre intérieur et extérieur, contenant et contenu, réversion continue des formes entre vide et plein, surface et volume.

Chez Jean-Claude Mattei, l’idée formelle et matérielle de base, celle qui se retrouve souvent dans des formes et échelles différentes, est sans doute celle d’un châssis, un espace d’accueil pour divers éléments qui viennent se loger en lui. Ce châssis peut prendre diverses formes. C’est parfois, au départ, une poutrelle métallique en H, évidée et écartée pour ménager un «ventre» qui servira de volume d’inclusion.

Cela peut donner un plan vertical, une sorte de cadre obtenu lui aussi par assemblage de poutrelles, dans lequel des décrochements ou des ouvertures peuvent être ménagés. On obtient ainsi ce que Mattei appelle des «châsses», simulacres de reliquaires pour des objets à la fois familiers et secrets. Vertical, ce plan a souvent des analogies avec une maison, un abri. Horizontal, il devient surface de présentation d’objets qui évoquent ceux de la vie quotidienne : vases, coupes, cônes. Ces objets sont à la fois familiers et étranges. Ils sont en fer massif, et ce ne sont pas des simulacres. Ils ont une apparence d’ustensile ou de mobilier, que quelque chose dans leur masse et dans leur échelle vient contredire. C’est comme une allusion à l’univers de la maison, qui hésiterait entre la brutalité du matériau et de ses origines, et la douceur disciplinée de l’échelle. Ces poutrelles récupérées sur des chantiers de démolition, ces lourdes plaques de larmier (qui servent à faire des caillebotis ou des passerelles) nous parlent d’une activité d’écrasement et de violence utilitaire.

Dans l’espace de la sculpture, elles sont au contraire mises au service de la concentration du regard, de l’offrande des formes, de la perception fine entre surface et relief. Ces plans, d’ailleurs, peuvent aussi bien, dans les travaux récents, être faits de contreplaqué, et l’association entre acier et bois se traduire en « tableau » : un cadre en métal, variante du châssis de base, porte maintenant une surface peinte qui évoque les objets que les sculptures traduisent en volume. Ce sont des sortes de bas-reliefs qui ajoutent une dimension paradoxale à cette scénographie imaginaire, qui met si subtilement en Jeu l’idée d’accueil et de familiarité.

REGIS DURAND
ART press

Mattei montre en général les « formes d’une humanité absente », d’où le registre domestique qui domine son travail: rien n’est vraiment monumental – il y a une certaine délicatesse- et presque toutes les pièces peuvent être imaginairement rapportées à l’univers de la maison (chaises, ou « assises », urnes, vases, meubles … ) et plus généralement de la vie matérielle; en ce sens, ces œuvres font figure de « monuments », c’est -à-dire de possibles vestiges. Pourtant, Mattei est bien loin du simulationnisme. Si les objets domestiques ont « au moins » deux sens, c’est parce qu’ils présentent tous la structure générale de la présence et de l’absence, de l’ouverture et de la fermeture, ou, comme dit Mattei, de l’ « omniprésence de l’absence ». C’est, dit-on, l’une des définitions du sacré. Celui-ci ne marque pas seulement les « châsses », qui relèvent à la fois de l’architecture religieuse, de la liturgie, de la construction funéraire; il transparaît dans toutes les pièces, parce qu’elles recèlent et à la fois présentent, à la manière du livre ou du tiroir. On remarque la fréquence des formes ovoïdes et concaves, conques et coupes, qui résultent d’une sorte de passage à la limite par rapport à l’espace creux, à trois plans, qui définit, au minimum, tout contenant, toute châsse. Ce mouvement d’abstraction s’accroît dans certaines pièces où Mattei côtoie la peinture, en donnant à une trace circulaire noir sur fond blanc un lourd cadre de fer : « la sculpture dans la peinture, c’est le cadre »; la boucle est ainsi bouclée qui mène de l’articulation des plans à leur signe pictural plat. Le châssis, qui accueille, encadre, présente, et éloigne, est la matrice de ce travail : il concentre relique et oblation, offrande et sépulture.

Jacques Hoarau,
juin 1990.

Le fer, après des âges de façonnage, s’est élancé en porteur élastique des ponts jetés au siècle passé vers le futur. Si Mattei appartient à l’aventure esthétique contemporaine, c’est qu’il a compris le pourquoi et le comment des grands expérimentateurs industriels qui firent basculer l’histoire des formes.

Surprise : l’acier résisterait à tout laminage, quel qu’il soit, aurait de lui-même certaines choses à dire, du moins certains sons, disons une voix propre, un écho acidulé qui, bien entendu, résonnerait plutôt assez profond en chacun de nous, fils du fer. Assemblages de tôles d’acier, armatures de poutrelles, rideaux, mécanismes ; soudure après soudure, au long du centimètre-temps, la CHÂSSE se construit ; elle restera toujours ouverte et fermée, piège à mémoire qui nous happe, nous renvoie l’évidence du mystère.

Mattei évolue en toute liberté dans la Dimension du Fer. Les éléments qu’il en rapporte émettent un effet singulier, comme d’une chose que nous serions toujours sur le point de reconnaître…

DUFO

MATTEI

La sculpture de J.-C. Mattei impose à la fois sa construction cohérente, épure de l’architecture d’un lieu qui ne s’est pas encore joué, et sa prise de position dans l’espace, lui révélant ainsi sa qualité de silence.

Cette volonté constructive suggère ici la mise en place d’un espace scénique où la force globale de la matière se mesure à l’idée d’une certaine dramaturgie.

C’est dans son intervention qu’elle soit minime ou plus baroque que l’artiste tranche dans la force d’inertie du matériau à l’état brut. Il réveille le nerf de la poutrelle d’acier, l’articule, lui implique par là sa dimension sacrificielle.

La volonté primitive de cette attitude exprime le moment idéal où l’énergie pure et simple de l’acte d’ouvrir, de resserrer, d’écarteler puis de restreindre la poutrelle passe et s’éclaircit dons la signification de cet acte même, sorte de mystique du geste, formalité extrême du duel entre la droite et la courbure jusqu’à répétition obsessionnelle. La poutrelle se trouve ici, en nombre, juxtaposée, significative dans ses rapprochements comme dons ses distances. Érigée en cloître, elle jette ses traits saillants ou vide, dons un silence d’arceaux, jusqu’à construire le temple fictif, véritable espace méditatif, parallélépipède de cristal clairement délimité où se joue le drame de la grandeur et de la misère de l’homme, et peut-être le songe du sculpteur créé par ce milieu géométrique et désert.

Ces perspectives se poursuivent jusqu’aux poutrelles adossées ou mur, corps en ogive qui s’encastrent et s’enchâssent, pénétrés et pénétrants de larmes, ellipses reliquaires, gages habituels de l’éternité de la forme où l’espace et la lumière sont retenus, à la limite de la déchirure.

Avant le déploiement de la présence humaine, l’on est prêt de sacrifier l’élan vital pour atteindre la perfection formelle.

Catherine de MONTALEMBERT

Placer en certains points du cheminement humain, des objets dont les qualités de synthèse formelle et de concrétion de pensée relatent et touchent directement et essentiellement nos consciences et nos destins, me semble être une définition satisfaisante de la sculpture.

Un art vécu comme puissance de la forme dons le silence de l’espace aura la voleur de constituer ou de restituer l’unité et l’unicité de l’être. Et dans une ère où la profusion des images et des sons tend de toute évidence à la confusion, la sculpture recèle une force insoupçonnée de par ces qualités emblématiques.

Aussi Voon-Hee, Osman, Mattei m’apparaissent jouer cette haute idée qu’est l’art dons le champ culturel présent.

Par la rigueur et l’intelligence dons l’utilisation des qualités intrinsèques de l’acier (malléabilité, densité, couleur, forme industrielle) ils porteront ce matériau comme postulat, et nous révéleront dons la complexité de la réalité symbolique, les formes, principes ou signes qui auront à assurer la maîtrise du sujet.

Osman avec un travail de métal toujours précis et mesuré nous offre une

partition où le silence est là pour ponctuer et saisir la note ténue d’une

spiritualité aux dimensions de l’homme.

Voon-Hee donnera à la réalité du matériau une autorité quasi absolue.

Utilisée dons sa forme dernière à savoir le déchet; la matière fondue, déchiquetée ou découpée ne subira aucune modification. L’Œuvre en quelque sorte accomplira la charge émotive des fragments par association de ces éléments multiples dons un schéma constructeur abstrait. Là encore la patience et la cohérence du travail placent et positionnent l’homme face à son énorme et incompréhensible réalité.

Mattei nous offre une sculpture qui sous-tend structure et soutient la conscience que nous avons de l’art, par la puissance formelle et expressive d’une poétique construite des richesses virtuelles d’un matériau ; la poutre métallique. Et la réflexion qu’il porte sur les positions de l’objet sculptural dans l’espace m’a rappelé la très remarquable étude que Reinold Werner a consacré aux cahiers de Malte Laurids Brigge1 : « -Malte-, pour échapper à la désorganisation de son corps propre et de ses sens, fait appel par le biais de son écriture et de ce qu’elle invoque, à une position toujours primairement signifiante, donc indéterminée et vide au-delà d’une cime s’élevant sur un cimetière de sens vides, vidés. Or, la quête de cette position qui se lit comme le contrepoint ou la contre-offensive à l’errance insensée parisienne du « héros », cette quête est scandée et orchestrée par et autour de ces éléments verbaux que sont « stehen-sitzen-liegen » et, sur un autre niveau déjà, leurs parents morphologiques tels que « stellen-setzen-legen » (mettre, poser, placer, etc.) ou leurs différents composés. On dirait que ce sont ces éléments qui préparent un champ limité à la perception et à cette position, destinée, elle, à limiter et/ou à purifier un espace symbolique, devenu trop encombrant et encombré et échoppant à la maîtrise du sujet et de son imaginaire ».

Cette « quête » d’une position « primairement signifiante, cette « quête » orchestrée autour des éléments « Stehen-Sitzen-Liegen »(debout-assis-couché) ne pourrait-elle pas être aussi la quête du sculpteur ?

Jean-Michel ESPINASSE

1) Stehen-Sitzen-Liegen, Reinold Werner in Artistes juin 84
Les cahiers de Malte Laurids Brigge, Rainer Mario Rilke: Édit. Seuil.

MATTEI :
OFFRANDES A LA MATIERE

Empruntés à la civilisation urbaine, les matériaux utilisés par Jean-Claude Mattei symbolisent l’habitat dans son aspect le plus modeste: acier, plomb, caoutchouc. .. Le support plastique, dont l’équilibre spatial sépare le contenu du contenant, est souligné par des formes concaves, ovoïdes, conques et coupes. Entraînées par un mouvement abstractif, les pièces du sculpteur semblent frôler la peinture par des interventions gestuelles : aussi, une trace circulaire noire sur fond blanc reçoit-elle parfois un lourd cadre de fer …

« La sculpture dans la peinture » se profile donc par l’espace d’accueil ou d’éloignement offert par le châssis. En effet, matrice du travail de Mattei il peut modifier sa forme à volonté, proposant ainsi aux installations ce que l’artiste nomme des « châsses », véritables simulacres de reliquaires pour des objets tant mystérieux que familiers.

L’univers présenté est celui du foyer : tasses, assiettes et chaises, témoignent des traces laissées par l’homme, et par delà son usage techn1que, le support est une passerelle entre ablation et relique, offrande et sépulture.

Une dimension à la fois sacrée et liturgique projette les pulsions de mort du plasticien sur le décor d’un imaginaire fécond (« Petites Châsses gardées », « Grandes Châsses gardées », 1990). Or, des signes graphiques imprimés au pochoir s’inscrivent sur l’œuvre (chiffres blancs qui se détachent sur des plaques métalliques), lui insufflant ainsi une perte d’identité.

Apparait la construction funéraire infligée aux « Offrandes » … Révélant son âme à la matière, le sculpteur tend à concevoir l’œuvre comme une relation conflictuelle entre conscient et inconscient plein et vide, surface et volume.

Proposée par la Maison d’Art Contemporain de Chailloux, cette exposition témoigne d’un engagement réel en matière de politique culturelle. Soucieux de sensibiliser un public de plus en plus large, ce nouveau lieu a prévu d’organiser cinq manifestations par on, en ne présentant que de jeunes artistes.

Virginie Gauthier

GALERIE AIRBORNE – PLACIDE JOLIET
« IDOLES ET OFFRANDES »

A quel régime de colonie pénitentiaire ont-elles été soumises ces pièces d’acier ?

Tout en bas d’un ciel de métal, la figure humaine laminée érige sa forme indestructible.

Bas reliefs sculptés dans la fonte.

Formes dégagées du bloc d’un silence massif.

Témoins têtus de quel sacrifice ?

Le passage du feu sur le matériau brut, la coloration vicariante de la rouille ne dissimulent rien – une grande nudité s’expose ici en imposant sa distance qui semble maintenir une quarantaine farouche.

Ces œuvres nous renvoient peut-être au plus déserté de nous-mêmes, à l’oubli le plus dangereux, à ce qu’il restera comme traces après que les climats, les érosions, l’énormité du temps auront fait leurs ravages…

Vestiges sacrés ! Sculptures ! – Ces grands lambeaux de fer, de quels foyers ont-ils surgi ? – A quelle poussière retourneront-ils ?

Obstinément, Jean-Claude Mattei semble vouloir nous rassembler les morceaux épars d’une catastrophe dont nous n’aurions pas été témoins et dont nous ne voudrions rien savoir. Ces morceaux monumentaux, ce sont ses œuvres. Elles sont « sans feu ni lieu », et pourtant elles se consument dans l’absence- elles nous ressemblent !

Jean-Claude Mattei est peut-être le forgeron (le sculpteur) qui « marque » notre époque de ces stelles ineffaçables – raconteront-elles aux millénaires à venir « notre chute et notre sommeil » ?

Bruno Sermonne

JEAN-CLAUDE MATTEI :

37 ans pour tenter d’être sculpteur.

Une obsession du matériau dès l’enfance,

de son énigmatique présence.

Et la détérioration d’objets

(usuels) divers et variés.

L’adolescence. La recherche d’orientation.

Retrouver l’axe, reconstruire

entre base et chapiteau la colonne … ?

Plus tard. Les Beaux-Arts en architecture,

des études en restauration d’œuvres d’art.

L’enseignement des arts plastiques.

Et puis, l’Équilibre.

Les choses se placent.

Le vécu opère. Un faisceau de voies se noue

où la passion brute assagie s’ordonne

dans le grand jeu

des équilibres nécessaires.

UNE SORTE DE PÉNITENCE MUETTE :

Attention, ici se dégagent de cette fonte

les radiations d’un silence

qui est plus terrible que l’oubli.

Par quelle sorte de pénitence muette pourrons-nous

jamais espérer rejoindre

ce que fur notre habitat humain ?

A quel inexpugnable exil ce XXe siècle

nous aura-t-il voué ?

Jean-Claude Mattei travaille le fer

à l’âge de l’atome.

Où sommes-nous ?

Quelque chose dans la machine semble avoir

arrêté l’heure de la technique.

Une sorte de grand théâtre pétrifié

installe une attente infinie.

Il n’y a plus d’Histoire – Seul un Dieu pourrait…

Bruno Sermonne

Le travail de Jean-Claude Mattei s’épure de plus en plus. Aujourd’hui, les formes s’affirment, les volumes respirent avec amplitude. Ces « châsses » s’ouvrent maintenant sur l’extérieur. D’épaisses plaques de tôle, des barres d’acier, créent des espaces dont les frontières, verticales ou horizontales, se jouent librement de l’angle droit, de l’oblique ou du simple décrochement. Jean-Claude Mattei donne au matériau qu’il s’est choisi son plein épanouissement. Chaque œuvre de cet artiste possède son équilibre propre, son rythme, sa force.

Catherine Terzieff,
« 7 à Paris », sept. 1986

JEAN-CLAUDE MATTEI

A partir d’épaisses feuilles d’acier, Jean-Claude Mattei construit des « châsses » sortes de tabernacles.

Il s’agit de délimiter des espaces, de construire des lieux.

Peut-être aussi plus métaphysiquement, de préserver un souffle, de mettre à l’abri l’impalpable. Des portes articulées rendent la communication possible et éloignent Toute idée d’enfermement.

Un jeu subtil s’introduit alors entre le dedans et le dehors.

Suivant les pièces, on pense à de petites usines, des sortes de fours (cela peut être ressenti plus douloureusement) ou encore de petits théâtres.

Un travail très personnel qui ne réfère à personne.

Catherine Terzieff

BONHEURS ET PENSÉES DE L’HÉTÉROGÈNE

Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de penser les rencontres des matériaux hétérogènes, rencontres qu’organisent certains sculpteurs actuels, Simone COUDERC, Marie ORENSANZ et Jean Claude MATTEI, et que met en scène le Service Municipal d’Arts Plastiques de Choisy-Le-Roi à la Bibliothèque Louis Aragon. Il s’agit également de jouir de ces rencontres, d’y trouver nos bonheurs. Et il convient sans doute de voir le lien des pensées et de ces plaisirs  à partir du modèle des sculptures où se marient les matériaux hétérogènes.

Ici, les sculpteurs mettent en évidence la force de l’opération la plus simple, celle qui nous a été enseignée au début de notre scolarité,  celle qui part  du multiple pour aboutir à une somme, à  une unité, l’addition. Ici, l’acier s’ajoute au caoutchouc, le marbre au bois, le grès au bois… Ici, l’affirmation de l’unité produite n’efface pas les différences, entre les éléments qui la composent. Elle exalte ces différences, elle les fait chanter. Le sec et l’humide, le dur et le tendre, le fragile et le solide, le mat et le brillant, le souple et le raide, le rugueux et le lisse, s’imposent en s’opposant.

Les façons dont l’unité se crée sont, elles-mêmes, multiples. Une matière se pose sur une autre; elle se colle sur une autre; elle en encadre une autre; elle s’encastre dans une autre; une matière lie ensemble deux autres matériaux; une matière enchâsse une autre; ou bien se greffe sur elle …

Avec sensualité, nous assistons, joueurs, aux jeux des surfaces et des volumes : jeux de teintes différentes, des poids inégaux, des déséquilibres apparents et des équilibres parfois dissimulés, jeux des forces errantes ou immobilisées.

Ces sculptures hybrides, ces totalités métisses représentent un écart par rapport aux sculptures les plus fréquentes  à l’intérieur de notre culture, par rapport  à celle qui sont faites d’une seule matière. Mais, en même temps, ces œuvres hybrides renouent avec une tradition ancienne, celle où apparaît une statue de Zeus en or et ivoire.

Parfois, les matières s’affrontent en un corps  à corps où chacune manifeste son individualité, ses qualités. Et l’on peut penser à certaines phrases d’Héraclite : « Le combat est père et roi suprême de toutes choses ». Et aussi : « Le monde est une harmonie de tensions tour à tour tendues et détendues, comme celle de la lyre et de l’arc ».

On rêvera aussi autour d’une érotique des matériaux. Ils se désirent, se caressent, s’enlacent, s’étreignent, se griffent, se pénètrent. Ce seraient orgies de matières, noces de matières.

Gilbert LASCAULT

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